BIRÉACTEUR D'ENTRAÎNEMENT

HISTORIQUE

Développement et carrière de l'appareil

Une appel d'offres fut lancée par l'Armée de l'Air en vue d'équiper ses unités d'entraînement d'un nouvel avion à réaction dont l'utilisation serait très économique. Deux projets furent lancés :

  • Le MS.755 Fleuret, petit biréacteur biplace côte à côte de la firme Morane-Saulnier qui donna ensuite naissance à l'avion de liaison MS.760 Paris dont 14 exemplaires furent utilisés par l'Aéronautique navale.
  • Le Fouga CM.170, lui aussi biréacteur mais en tandem.

Étant donné que la configuration en tandem était plus proche de celle des chasseurs de l'Armée de l'Air, le Fouga gagna la compétition. Les études menées par les ingénieurs Robert Castello et Pierre Mauboussin de chez Fouga pour la cellule et M. Szydlowski directeur de la société Turboméca pour le moteur commencèrent dés 1949. Le planeur CM.813 servit de base au projet.
Le 14 juillet 1949, le CM 8R13 N°01 Cyclone prend l'air pour la première fois avec Léon Bourrieau aux commandes.

CM 8R-13 Cyclone. (©DR)

Cet avion était équipé d'un réacteur Turboméca Piméné qui atteignait la vitesse de 200 km/h. Puis le Cyclone devient le Sylphe. Des dérivés de ce dernier naîtront, le CM 8R9 Cyclope doté d'un réacteur Turboméca Piméné de 110 kgp et le Cyclope II. Deux Cyclopes sont accolés à la façon du Twin-Mustang et reçoivent un réacteur plus puissant.

CM 8R-13 Cyclone. (©DR)

Il s'agit des CM 88R Gémeaux I puis Gémeaux II et III. Il prend l'air le 14 août 1951 avec un Marboré II de 360 kgp et en fin 1951 400 kgp.

Enfin, le 23 juillet 1952, le Magister (maître-enseignant en latin) prend l'air à la Base Aérienne de Mont-de-Marsan avec Léon Bourrieau aux commandes. La Marine recherchant aussi un appareil d'entraînement, se tourna naturellement vers la firme Fouga et son CM.170 Magister afin qu'elle adapte l'avion aux opérations sur porte-avions et en milieu marin.

Les principales différences qui résident entre le CM.170 de l'Armée de l'Air et le CM.175 de la Marine sont la verrière coulissante, la crosse d'appontage et le train d'atterrissage renforcé. Deux prototypes du CM-170M Esquif sont commandés.

Le 10 avril 1956, M. Anxionnaz Secrétaire d'État aux Forces Armées Marines signa un contrat de vente pour 30 CM.170M dont deux prototypes. Dix sont inscrits au budget de 1954 et vingt à celui de 1956. Le 1er vol du CM.170 M01 Esquif a lieu le 31 juillet 1956 avec Jacques Grangette aux commandes. Le LV Joseph Gérard qui vient d'être désigné comme officier de marque du nouvel appareil, accomplit deux vols d'information avec Léon Bourrieau à la place du moniteur, le 27 septembre de la même année, avec montée à 30.000 pieds. Quant au second prototype - le CM.170 M02 Esquif - son vol initial a lieu le 12 avril 1957.

Prototype 01 du CM.170M Esquif. (©CEV Istres)

En juillet 1957, des séances d'Appontages Simulés Sur Piste (ASSP) sont réalisés par les deux prototypes à Istres. Sous l'égide du Centre d'Essais de Brétigny, représenté par le CC Mauban et le LV Mosneron-Dupin, l'évaluation opérationnelle a lieu au Royal Establishment de Bedford du 16 au 22 janvier 1957 pour l'évaluation de la tenue de l'appareil aux accrochages des brins d'arrêt de porte-avions et aux catapultages sur les installations au sol spécialisées du centre d'essais et Les prototypes 01 et 02 sont envoyés de Toulouse à Cherbourg par le CC Picchi et le LV Gérard avec une escale à Tours, pour effectuer les essais d'appontage et de catapultage sur le porte-avions britannique HMS Bulwark. Basés d'abord sur le terrain de Maupertus, ils rallient le porte-avions le 31 juillet à partir du terrain de Ford où la météo est plus favorable. Les essais commencent le 1er août mais ils sont interrompus après une dizaine d'appontages effectués par le CC Mauban, le CC Picchi et le LV Gérard, une avarie de l'amortisseur de crosse sur l'un des prototypes ayant rendu la prise de brin aléatoire après rebondissement de la crosse à l'impact sur le pont.

Le prototype CM.170M Esquif appontant sur l'H.M.S. Eagle en mars 1958. (©Jacques Grangette)

Douze ASSP sont effectués à Istres le 25 février 1958 par le 02, suivis de vingt-neuf le 7 mars suivant.
Une seconde campagne sur porte-avions a lieu du 10 au 13 mars 1958 au large de Toulon sur l'HMS Eagle. Les deux prototypes effectuent 31 appontages et catapultages sur le pont du porte-avions britannique.

Le prototype CM.170M Esquif sur le point d'être catapulté depuis l'H.M.S. Eagle en mars 1958. (©Jacques Grangette)

Les pilotes des prototypes (F-ZWUD et F-ZWUZ) étaient Jacques Grangette (pilote d'essais de Fouga), les LV Murgue et Mosneron-Dupin du CEV, les LV Klotz (officier de marque) et de Lavergne (CEV) ; enfin l'EV1 Ruytinx du CEPA. En octobre, des essais ont lieu sur l'Arromanches. En octobre 1957, les prototypes sont intégrés à la section prototypes de la CEPA. Ils sont désormais immatriculés SR-21 et SR-22. Le premier restera au CEPA jusqu'en avril 1962 puis ira au CEAN (Centre-Ecole de l'Aéronautique navale). Quant au second il sera condamné en janvier 1965.

 

En service dans l'Aéronautique navale (1959-1994)

Le premier appareil de série (n° 3) sort de l'usine de Toulouse-Blagnac le 30 mai 1959 ; le dernier étant livré le 30 octobre 1960. L'avion est rebaptisé Zéphyr. Une partie de la flotte est stockée à Cazes (Maroc) puis à Lartigue (Algérie) jusqu'en 1962 et enfin à Lann-Bihoué (1962-1991) afin d'effectuer des roulements avec les aéronefs en service.

La première, l'escadrille 57.S (1959-1962)

CM.175 Zéphyr appartenant à l'escadrille 57.S. (©Marine Nationale)

L'escadrille École de Chasse (E.E.C.)/ 57.S prit en compte plusieurs Zéphyr à partir de fin 1959. Ils sont d'abord basés à Khouribga (Maroc) jusqu'en 1961, puis à Port Lyautey (Maroc) jusqu'en janvier 1962. Les appareils sont numérotés de 57.S.21 à 57.S.39. Le premier accident survient le 13 septembre 1960 dans le circuit du terrain de Khouribga lorsque, en s'apercevant trop tard, un MS.733 et le CM.175 N°2 entrent en collision.

CM.175 Zéphyr appartenant à l'escadrille 57.S, vus ici en vol avec leurs mitrailleuses AA52 de 7,5mm. (©Marine Nationale)

Ce jour le MS.733 faisait un exercice d'approche en 360° départ 1.500 pieds verticale entrée de piste, lorsqu'une patrouille à quatre de la 57.S sur Zéphyr annonça se présenter au break. Le contrôle ordonna au MS.733 de remonter. Sans doute l'élève aux commandes du Morane ne s'exécuta pas assez vite et d'autre part le n° 4 de la patrouille tira sans trop sur le manche alors que l'appareil n'était pas assez incliné et il amorça un brusque virage en montant et avec son aile droite arracha le moteur du Morane. Le Zéphyr passa sur le dos, s'écrasa et explosa en 1 seconde. L'élève-pilote aux commandes et son instructeur, en place arrière, furent tués. L'élève qui pilotait le Fouga s'appelait Biaux. A bord du Morane qui ne s'est pas écrasé tout de suite l'élève (il n'avait même pas 20 h de vol) complètement tétanisé n'a pas sauté malgré les efforts de son instructeur qui finalement a sauté seul.
Pour éviter que cela ne se reproduise, un schéma de peinture anti-collision est adopté. L'unité est dissoute le 15 décembre 1962, et les futurs pilotes suivent désormais la filière de l'Armée de l'Air jusqu'au brevet puis reçoivent l'instruction opérationnelle au sein de l'Aéronautique navale.

34 ans à la 59.S (1960-1994)

Zéphyr N°5 appartenant à l'escadrille 59.S, sur le point d'être catapulté. (©Luc Ristor)

L'escadrille 59.S (École de Chasse Tout-Temps) est créée le 1er février 1956, dans le Var, sur la B.A.N. Hyères. Elle utilise alors des Hellcat, SO-94E et Aquilon.
Les quatre premiers Zéphyr arrivent début 1960 (immatriculés 59.S-21 à 59.S-25). A l'instar des Blue Angels de l'U.S.Navy, une équipe de présentation de l'Aéronautique navale est constituée de l'été 1961 à la fin 1962 sur quatre puis six avions. Cette patrouille désignée Patac par les pilotes ou Patrouille de la Marine par les journalistes, est née sous l'impulsion du LV Lefebvre (pacha de la 59.S) dans le but de perfectionner les moniteurs-pilotes.

Du fait de la dissolution de la 57.S, de nouveaux avions sont alloués à l'unité. Quelques dix Zéphyr y sont affectés début 1962, puis 16 à partir de 1963. Le 1er mars 1965, son appellation devient École de Chasse Embarquée. Les appareils sont équipés d'une installation de tir de missiles SS.11, pour l'entraînement au tir de missiles télécommandés air/air N5103 du même constructeur, dont sont équipés les Aquilon des flottilles de combat 11.F et 16.F.

CM.175 de la patrouille de voltige de la 59.S dans les années 60. (©Marine Nationale)

Enfin, à partir de 1973, tous les Zéphyr de l'Aéronautique navale sont regroupés au sein de l'escadrille 59.S et ce jusqu'en décembre 1994.
En 35 années de service (1959 - 1994) quelques 107.300 heures de vol et 5.297 appontages sur les porte-avions Arromanches (R95), Clemenceau (R98) et Foch (R99) ont été effectués par les Zéphyr.

CM.175 Zéphyr N°21 appartenant à l'escadrille 59.S (©C.Boisselon)


L'escadrille 2.S (1962-1969)

CM.175 N°22 de l'escadrille 2.S basée à Lann-Bihoué. (©A.Crosnier)

A la suite de la dissolution de la 57.S en décembre 1962, six CM.175 sont transférés à la 2.S, escadrille de servitudes basée à Lann-Bihoué. Ils opèrent aux côtés des SO.95 Corse, SNJ et MS.760 Paris, et sont essentiellement voués à l'entraînement des réservistes et au recyclage des pilotes. Les "Fouga" sont retirés en 1969 lorsque la nouvelle Section Fouga sera mise en place à la Base d'Aéronautique navale de Landivisiau.


Les S.R.L. et S.F.L.

La Section Fouga de Landivisiau (S.F.L.) vit le jour le 1er février 1969 sur la base bretonne de Landivisiau. Elle hérite des Zéphyr, alors récemment retirés du service de l'escadrille 2.S. Avec l'arrivée des MS.760 Paris en 1972, la section change d'appellation et devient Section Réacteur de Landivisiau (S.R.L.). En 1973, les Zéphyr rallient la 59.S, qui devient alors l'unique utilisatrice de l'appareil au sein de l'Aéronautique navale..

Zéphyr de la S.F.L. vus en vol. (©J.M.Gall)


Ses successeurs

Suite à la défaite de la version embarquée de l'Alphajet (VTX) dans la compétition de l'U.S. Navy pour l'acquisition d'un nouveau jet d'entraînement embarqué face au T-45 Goshawk (version embarquée et américanisée du Hawk anglais), l'état-major de la Marine française ne voulant pas s'engager dans un coûteux programme d'avion décida d'entraîner ses pilotes aux USA à N.A.S. Meridian.

CM.175 Zéphyr N°17 portant la livrée de l'ancienne patrouille de voltige de la 59.S. (©Luc Ristor)

Des dérivés du Magister ont par ailleurs été construits tels que le CM.176 un appareil d'appui tactique équipé de deux canons HS-404 de 20 mm et 18 roquettes CC-120, le CM.171 équipé d'un nouveau réacteur de 1 100 kgp, le Potez 94 avec ses sièges éjectables et sa verrière améliorée. Enfin, une version très modernisée du Magister, le Fouga 90, fut proposée pour remplacer ce dernier. Il était équipé de deux Turboméca Astafan 2G de 680 kgp (les appareils de série auraient eu des Astafan 4G de 790 kgp) et deux sièges éjectables Martin-Baker Mark X.

Cependant les crises pétrolières eurent raison de la formule.

CM.170M et CM.175 ZÉPHYR DE L'AÉRONAUTIQUE NAVALE

Numéro

Statut

Numéro

Statut

1

Prototype. Ferraillé.

16

57.S, 59.S. Reformé et versé au Musée des Traditions de l'Aéronautique navale de Rochefort

2

Prototype. Exposé au musée de Savigny lès Beaune.

17

59.S. Retiré du service.

3

57.S, 59.S. Perdu en vol de nuit au sud de Giens.

18

57.S, 2.S, SFL, 59.S, EAE.

4

57.S et 59.S. Fut réformé suite à un incident de trains d'atterrissage à Lann-Bihoué.

19

57.S, 59.S. Perdu à l'appontage sur l'Arromanches en 1973.

5

59.S puis stocké. Remis en vol en 1991. Transmis à la SEA. Cédé, vole sous l'immatriculation F-AZPI. S'est écrasé le 07/09/03 à un meeting en Corse.

20

57.S, 2.S, SFL, 59.S., CEAN. Reformé et versé au Musée des Traditions de l'Aéronautique navale de Rochefort

6

59.S. Perdu en 1992 à Signes.

21

57.S, 2.S, SFL, 59.S. Réformé en 1991 et versé à la SEA.

7

57.S, 2.S, SFL, 59S. Perdu en mer.

22

57.S, 59.S. Perdu en mer en 1993.

8

57.S. Perdu en 1960 à Khouribga en entrant en collision avec un MS.733.

23

57.S, 59.S. Retiré du service.

9

57.S, 59.S. Perdu en mer.

24

57.S, 59.S, CEAN. Reformé et versé au Musée des Traditions de l'Aéronautique navale de Rochefort

10

59.S, CEAM Rochefort.

25

59.S. Perdu en 1975.

11

57.S, 2.S, SFL, 59.S. Stocké à Lann-Bihoué.

26

59.S. Perdu en mer en 1979.

12

57.S, 59.S. A subi un incendie. Réformé en 1991.

27

59.S. Exposé au Musée de l'Air et l'Espace.

13

57.S, 59.S. Perdu en 1963 à Carqueiranne.

28

59.S. Versé à la SEA. Cédé, vole sous l'immatriculation F-AZPF.

14

59.S. Retiré du service. Cédé, vole sous l'immatriculation civile F-AZMO.

29

59.S. Perdu le 14 février 1991.

15

57.S, 2.S, 59.S. Perdu en mer en 1976.

30

59.S. Retiré du service

 

CARACTÉRISTIQUES
(US)
(FR)
LONGUEUR
33. 4 ft
10. 21 m
ENVERGURE
39. 86 ft
12. 15 m
HAUTEUR
9. 67 ft
2. 95 m
POIDS
5 180 lb (min)/ 7 495 lb (max)
2 350 kg (min)/ 3 400 kg (max)
VITESSE MAX
397 mph
640 km/h
RAYON D'ACTION MAX
593 nm
1 100 km
PUISSANCE
1 763 lb
800 kg

ARMEMENTS

-Deux mitrailleuses AA-52 à 150 cartouches par arme. Elles furent supprimées par la suite à cause de nombreux incidents.
-4 roquettes T10 de 25 kg.
-Bombes de 50 kg.
-Roquettes 2,25 pouces.
-SNEB de 68 mm.
-SNEB de 37 mm.
-Engin SS-11. Il fut abandonné dans les années 70.

sources - remerciements :
Jacques Grangette, ancien pilote d'essais de la société Fouga.
CV(H) Georges Picchi, ancien pilote d'essais Fouga Zéphyr à la CEPA.
CV(H) Joseph Gérard, ancien pilote d'essais du Fouga Zéphyr.
Yves Martial

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