AVION BIRÉACTEUR DE SURVEILLANCE MARITIME

HISTORIQUE

Genèse du programme

En 1961, l'équipe Dassault basée à Bordeaux-Mérignac, composée par Paul Déplante, Paul Chassagne et René Lemaire décida d'étudier de nouveau le "Méditerranée" (qui était un le prototype d'un avion d'affaire). Le Mystère 20 (première désignation du nouvel avion) est capable de transporter dix passagers à Mach 0.8 (vitesse de croisière). A cause de son rayon d'action limité (1.000 à 1.500 km), la nouvelle machine était initialement pour le marché européen. Le marché américain devenait de plus en plus important, c'est pourquoi Dassault Aviation améliora l'avion et son rayon d'action est désormais de 2 000 km environ. Des nouvelles techniques venant des programmes d'avions de combat Ouragan-mystère et Mirage furent utilisées. L'avion était construit par Sud-Aviation. Le prototype prit l'air pour la première fois le 4 mai 1963 avec René Bigand aux commandes. Pendant ce temps, la Pan Am (Pan American World Airlines) étudier la création d'une section avions d'affaire pour sa compagnie. Le vice-président Gledhill et le fameux pilote Charles Lindberg visitèrent le prototype (Mystère 20-01). Le 2 août 1963, 40 avions équipés avec des réacteurs General Electric CF-700 sont commandés plus 120 options. Une nouvelle version du Falcon 20, l'HU-25A Guardian fut achetée (41 exemplaires) par les Garde-Côtes Américains et délivrée dès 1979. Ils prirent part activement à la Guerre du Golfe en 1990-1991. Ils sont équipés avec des équipements spéciaux pour la lutte anti-drogue.

 

Cinq en service dans l'Aéronautique navale depuis 1983

Concept
En juin 1977, la Marine française doit tenir compte de l'augmentation de ses besoins en moyens de surveillance maritime, liée à l'extension progressive jusqu'à 200 miles des côtes de la zone économique française. Pour assurer ses missions de patrouille et de surveillance maritime en remplacement des Lockheed P-2H Neptune (P2V-7), arrivés en bout de potentiel au sein des escadrilles 9.S et 12.S dans le Pacifique, l'Aéronautique navale a besoin d'un appareil pouvant atteindre des vitesses élevées et, le cas échéant, être capable de changements d'altitude rapides. Nécessairement bimoteur pour des raisons de sécurité, il doit pouvoir intervenir très rapidement sur un point éloigné, être capable d'assurer la couverture d'une zone maritime étendue en un minimum de temps et avoir des équipements de navigation et de détection performants à la fois fiables et robustes. Devant opérer sous un climat chaud et humide, l'Aéronautique navale recherche également un avion qui ne nécessite que peu d'heures de maintenance et dont la mise en oeuvre soit légère. Fort de l'expérience des HU-25A Guardian, Dassault propose alors à la Marine nationale un biréacteur léger adapté à la mission de surveillance maritime et répondant à ces critères. Le Gardian est équipé d'un système de navigation et de surveillance comprenant un radar Varan, adapté à la détection de petits objets par mer forte, un système de navigation Crouzet pour la visualisation de la situation tactique et géographique, un calculateur et une table de navigation automatique. Il dispose d'une trappe de largage pour le matériel de sauvetage, de marquage et, éventuellement, pour le parachutage de personnel. Il est doté de deux grandes fenêtres d'observation et de quatre points d'emport sous voilure capables de charges très importantes (senseurs divers, remorquage de cibles et contre-mesures).
Les appareils assurent quatre types de missions :
-Recherche et sauvetage (SAR).
-Respect des lois et traités (ELT).
-Protection de l'environnement maritime (MEP).
-Activités scientifiques et maritimes (MSA).

Des premiers essais à la mise en service
Falcon 200 Gardian n° 48 à sa sortie d'usine. (©Dassault-Aviation)Un premier Gardian, version navalisée du Falcon 20H devenu ensuite Falcon 200, effectue son premier vol à Mérignac, le 24 avril 1979, piloté par Henry Suisse et Jean-Marie Barthelemy. Premier appareil de ce type sorti des chaînes de l'usine de Bordeaux-Mérignac, le 18 mars 1981, l'avion n° 48 effectue son vol initial le 15 avril 1981 aux mains de Hervé Leprince-Ringuet, pilote, et de Jean-Marie Barthelemy, ingénieur navigant d'essais. Ce pilote et l'équipage d'essais conduisent ensuite la mise au point du Gardian en collaboration avec le CEV Le Falcon Gardian fait l'objet d'un marché de la part du gouvernement française pour le compte de la Marine nationale en date du 13 mai 1981 pour le développement et l'industrialisation de cinq exemplaires en deux tranches, une première de deux avions et une seconde de trois avions. Le n° 48 est remis officiellement à la Marine nationale le même jour.
Le détachement CEPA Gardian est mis en place le 13 septembre 1982 à Istres. Il comprend 16 personnes et s'installe dans les locaux disponibles des appentis du hangar HM 27. Le personnel est hébergé au CEV et à la BA 125. En juillet 1984, les cinq Gardian partant pour le Pacifique, le détachement est alors dissous.

Les escadrilles 9.S et 12.S (1983-2000)
Le remplacé et le remplaçant : P-2H (P2V-7) Neptune à gauche et Falcon 200 Gardian à droite. (©Marine Nationale)Le 14 avril 1983, le premier Gardian est remis officiellement à l'amiral Leenhardt, chef d'État-major de la Marine, par Bruno-Claude Vallières. Le 27 février 1984, un Gardian de la Marine nationale est amené à effectuer sa première mission réelle de recherche en mer au cours d'un vol programmé, à l'origine, comme vol d'entraînement de routine. prévenu après son décollage que la Marine nationale était en opération de recherche survie en Méditerranée pour tenter de retrouver un petit voilier de 10 mètres en stratifié, le Gardian est inclus dans le dispositif de recherche. Après un quart d'heure de recherche au radar, volant à 1.800 pieds (550 m), l'équipage détecte un écho sur le radar Varan à 28 nautiques (52 km) par le travers. Patch de l'escadrille 12.S.Les manoeuvres s'enchaînent alors rapidement : descente, reconnaissance du voilier, relevé des coordonnées par le système de navigation Oméga du Gardian et transmission radio de la position du voilier aux autres éléments participant aux recherches. Une heure plus tard, l'occupante du voilier en perdition depuis 48 heures est recueillie par un aviso Sur le chemin du retour vers Istres, volant à 15.000 pieds (4.572 m) d'altitude, mission accomplie, le Gardian a gardé jusqu'à 50 nautiques (93 km) sur son écran radar l'écho du petit voilier vers lequel commençaient à converger les navires de sauvetage. Les deux premiers avions (n° 65 et 77) destinés à l'escadrille 9.S de la BAN Tontouta sont convoyés à partir d'Istres entre le 3 et le 10 juillet 1984. Deux appareils (n° 48 et 72) de l'escadrille 12.S de Tahiti-Faaa font de même. Les cinq Falcon 200 Gardian de l'Aéronautique navale. (©Marine Nationale)Le dernier appareil (n° 80) est convoyé par un équipage Dassault à partir du 7 juillet selon un itinéraire différent permettant des vols de démonstrations dans différents pays (Égypte, EAU, Malaisie, Indonésie et Australie) avant d'arriver à Faaa le 28 juillet. Ils participent dès le 10 août à leur première mission réelle de surveillance. Trois jours plus tard, les Gardian relèvent définitivement les Neptune au sein de l'escadrille 12.S et, le jour même, le n° 48 effectue la première mission d'évacuation sanitaire (EVASAN) depuis l'île d'Huahiné. Les appareils des escadrilles 9.S et 12.S sont, depuis fréquemment appelés à effectuer des missions d'évacuation sanitaire tant pour le compte des autorités civiles que pour les forces armées. En outre, contrairement aux Guardian des Coast Guard qui, en temps de paix, ont uniquement un rôle non militaire, les Gardian coopèrent avec les bâtiments de guerre et assuraient jusqu'à l'arrêt des essais nucléaires, la surveillance maritime du Centre d'Expérimentations du Pacifique (CEP). Avec comme mission principale la surveillance maritime de la zone économique des 200 miles de l'ensemble de la Polynésie française, soit une zone de 6 millions de km², les escadrilles sont également chargées des missions SAR. Elle maintient donc en alerte permanente à 4 heures, deux équipages qui, le plus souvent, sont prêts à décoller sous 30 minutes. Les autres missions comprennent les EVASAN, les transports d'autorités, la surveillance maritime, la surveillance des tirs Ariane, la lutte contre le trafic de drogue et les vols au profit du CEP.

La flottille 25.F (depuis 2000)
Dissoute depuis le 29 juillet 1983, l'unité est réactivée le 1er septembre 2000 à la suite de la fusion des escadrilles 9.S et 12.S. L'État-major de la flottille est implanté à Tahiti-Faaa (deux appareils). Un premier détachement 25.F avec un appareil est stationné sur la BAN Tontouta (Nouvelle-Calédonie) et un deuxième à Fort-de-France. 2.100 heures de vol par an sont effectuées sur les 3 théâtres d'opérations dont 20 % effectuées vers ou à proximité de l'étranger. Le mardi 13 août 2002, en fin d'après-midi, l'alerte est donnée par le centre opérationnel du Taaone : la goélette Dory 2 a déclenché sa balise de détresse et un pêcheur a aperçu dans la zone une fumée noire.
Falcon 200 Gardian en vol. (©Marine Nationale) L'équipage SAR d'astreinte est aussitôt rappelé. En moins d'une heure après le premier appel téléphonique, le Gardian de la flottille 25.F décolle vers la position transmise : environ 50 nq à l'ouest de Rangiroa. La situation de surface est rapidement maîtrisée au radar et la descente vers la basse altitude commence pour identifier à vue le bâtiment recherché. Malgré de nombreuses tentatives sur la fréquence VHF16, aucune liaison radio n'est établie avec le bateau en détresse. À 30 nq de la position estimée, les pilotes aperçoivent une épaisse colonne de fumée noire puis découvrent un bâtiment d'une cinquantaine de mètres entièrement envahi par les flammes. Deux canots de sauvetage sont repérés à quelques centaines de mètres de là. Des naufragés se sont réfugiés dans l'un d'entre eux ; l'autre est vide. La liaison radio est établie avec un voilier, l'Eden Martin croisant à environ 35 nq puis avec un cargo plus éloigné. Les routes des navires pointent spontanément vers la position du naufrage. Un aller-retour à Tahiti-Faaa permet au Gardian de refueller et d'être à nouveau sur les lieux de l'accident pour guider les secours. La Tapageuse est aussi sur la fréquence. Encore une heure de rapprochement des bateaux slalomant entre les débris de la goélette (fûts de pétrole, bonbonnes de gaz, morceaux de bois...) et les 20 passagers et 8 membres d'équipages du Dory 2 sont récupérés sains et saufs. La flottille 25.F contribue, pour la France, aux accords établis avec l'Australie et la Nouvelle Zélande, pour la surveillance des zones économiques exclusives de certains archipels mélanésiens et polynésiens. Falcon 200 Gardian en vol. (©Marine Nationale)Au titre d'un arrangement technique tripartite destiné à harmoniser et coordonner les vols de surveillance, Alpaci doit en effet programmer 90 heures de vol par an pour la surveillance des îles Cook, de l'archipel des Fidji et du Vanuatu. En septembre 2002, un Gardian de la flottille 25.F a mené une mission de cet ordre à partir de Rarotonga (Cook) où il était déployé pour quelques jours. Un officier supérieur de la Royal Australian Navy a participé à deux vols de surveillance, une place à bord du Gardian étant réservée à un officier de police des Cook pour une troisième patrouille. Un poti marara a quitté Hao le 6 février 2003 avec 5 personnes à bord pour faire un périple entre les îles de Marokau, Manuhangi et Paraoa. Il est porté disparu depuis trois jours lorsque, en mission à Moruroa, le Gardian est dérouté par le MRCC pour entamer les recherches. À l'issue de deux vols et plus de 8 heures de recherche intensive, les naufragés sont retrouvés à la nuit tombante sur leur bateau à la dérive. L'organisation rapide des secours, grâce notamment à la participation d'un bateau de pêche de Hao, a permis de récupérer les naufragés dans la nuit. Le 16 janvier 2004, un Gardian, assurant une mission de sauvegarde maritime, surprend en action de pêche illicite un palangrier taiwanais à 110 nautiques dans le sud-est de l'île des Pins. La proximité de Nouméa et la disponibilité à quai d’un patrouilleur laissent espérer une interception possible dans la ZEE. La Glorieuse reçoit l’ordre du Comar d’appareiller sur alerte. 4 missions de Surmar et 24 h de course poursuite plus tard, l’interception a lieu à moins de 30 nautiques de la limite sud de la ZEE. Une équipe de visite prend possession du navire de pêche et signifie l’ordre de déroutement sur Nouméa. Le lundi, à 13h00, le Feng Rong Shang entre dans le lagon escorté du patrouilleur et de la vedette de gendarmerie maritime. Le volet maritime de cette opération s’achève en moins de 72h. Un volet judiciaire, beaucoup plus long s’ouvre désormais. Le succès de cette deuxième mission de sauvegarde maritime menée en moins de deux mois dans le Pacifique Sud témoigne de la détermination de la Marine à protéger, pour le compte du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, les ressources biologiques de sa ZEE.
En 2010, la flottille 25.F a sauvé 56 personnes.

L'avenir: l'après 2015
Le programme de maintenance des cinq Falcon 200 Gardian va jusqu'en 2015. Ensuite, mystère. Le contrat pourrait être renégocié avec Sabena technics, qui a récupéré le soutien technique et industriel de ces appareils, mais il semble difficile de pouvoir les prolonger. La Marine avait envisagé de remplacer les 5 Gardian,, les dix Nord 262E et à terme les quatre Falcon 50M par 18 nouveaux avions, dont le premier exemplaire aurait été opérationnel en 2015. Mais ce projet, baptisé AVSIMAR (Avion de surveillance et d'intervention maritime), n'a finalement pas été inscrit dans le projet de Loi de Programmation Militaire 2009-2014. Il faudra donc atteindre la LPM suivante et il n'est donc pas question d'envisager l'arrivée d'un successeur avant la fin de la prochaine décennie.


sources - remerciements :
"Avions Marins" Luc Berger - Dassault Aviation - 1998.
Avions de Combat du Monde - Éditions Atlas.
"Les commandements de l'Aéronautique Navale (1912-2000)" ; Major Norbert Desgouttes ; ARDHAN - 2001

 

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